23 juillet 2008

CJDES : Formaliser la gouvernance

Cette conférence a été organisée autour de Chantal Chomel, directrice juridique et fiscal de Coop de France, et de Jean Gautier, ancien secrétaire général de la CGSCOP.

Une dynamique de Coop de France

Signe d’une relation avec le Cjdes, Coop de France a eu recours dans un passé récent au bilan sociétal, cet outil développé par le Cjdes.

Philippe Mangin, Président du mouvement coopératif agricole, déclarait ainsi en 2001 : « les coopératives doivent servir leurs adhérents au quotidien à travers leurs performances mais aussi par leurs spécificités, qui ne se limitent pas à des obligations statutaires. Le bilan sociétal permettra de faire apparaître les retombées non lisibles dans un rapport d'activité classique ».

Les entreprises coopératives représentent un poids économique important dans le paysage agricole et alimentaire :

·leur chiffre d'affaires global est évalué à près de 80 milliards d'euros pour l'année 2007 (en incluant les filiales) ;
·3 200 entreprises industrielles et commerciales (coopératives, unions et SICA) et 12 700 CUMA
·Plus de 1 500 filiales type SA, SAS, SARL ;
·40% de l'agroalimentaire français ;
·Au moins 150 000 salariés permanents ;
·Sur 406.000 d'exploitations agricoles (exploitations à temps plein uniquement), les 3/4 sont adhérentes d'une coopérative au moins.

Du contrôle à la définition des instances de la gouvernance

Créé en 2006 le Haut Conseil de la Coopération Agricole (HCCA) est le garant du respect des textes et des règles de la Coopération agricole. Il délivre et retire l’agrément des coopératives. Il définit également les principes et élabore les normes de la révision des coopératives agricoles. Ainsi, elles doivent se conformer à des statuts types homologués par le ministère de l’agriculture et, désormais, leur création est subordonnée à un agrément délivré par le Haut Conseil de la Coopération Agricole.

La question de la formalisation de la gouvernance et du contrôle, en l’occurrence, amènent à s’interroger sur le périmètre de la gouvernance et sa définition. La gouvernance s’entend globalement c'est-à-dire au regard non seulement des rôles respectifs et des missions du Président et du directeur général mais aussi du Conseil d’administration et de l’Assemblée générale.

L’Assemblée souligne que la place des coopérateurs est fondamentale. Dans le monde agricole les adhérents sont souvent très présents car les résultats de la coopérative déterminent une part non négligeable de leurs propres résultats économiques.

Une coopérative agricole est une entreprise qui obéit à des finalités qui lui sont propres : propriété des agriculteurs qui détiennent son capital et lui apportent leur production, elle a reçu pour mission de valoriser et de commercialiser la production de ses adhérents. Ce qui explique largement l’interaction entre la coopérative et l’adhérent et donc son implication dans le mode de gouvernance opéré par la coopérative.

Les coopératives agricoles sont nées de la volonté des agriculteurs de créer des outils d'approvisionnement, de collecte, de transformation et de commercialisation qui soient le prolongement de leur exploitation. Des outils qui leur permettent de ne pas être réduits au simple rôle de fournisseurs de matières premières, sans pouvoir ni influence. A cet effet, ils sont engagés par l'apport en produits agricoles et en capital social.

Formaliser les règles de gouvernance induit aussi une façon de produire ensemble, et s’exprime comme un gage d’efficacité collective.

Instances de consultation, les coopératives agricoles permettent aux adhérents de se positionner sur des stratégies d’entreprise. Par exemple, dans une coopérative importante, la consultation et le vote récent de 3 000 adhérents qui se sont déclarés contre l’usage des OGM, car jugés insuffisamment perfectionnés, en est une illustration.

Cet exemple illustre une fois de plus que le clivage « grandes coopératives/petites coopératives est relativement artificiel et réducteur : on peut avoir des très grandes coopératives qui ont construit des systèmes de délibérations décentralisés et des petites coopératives qui vont fonctionner de façon très « autocratique ».

L’administrateur, pilier de la gouvernance

L’administrateur est le pilier constant de la gouvernance dans les coopératives agricoles. Il représente la délégation de la démocratie de la part des adhérents. Chaque année un renouvellement partiel des administrateurs est opéré et permet de conserver une base stable.

Au sein des entreprises coopératives, le couple président-directeur traduit l'association du "monde paysan" au monde économique, tout en garantissant la mobilisation et la responsabilisation des sociétaires et des administrateurs à l'égard de l'entreprise et de ses résultats. La bonne entente et complémentarité des deux fonctions est un gage de la réussite de la coopérative.

L'administrateur a, pour sa part, comme mission essentielle d’assurer la réalité du pouvoir de l'agriculteur, d’entretenir le sentiment d'appartenance et d’assurer la cohésion du groupe. Son rôle est à la fois décisionnel et aussi de relais des intérêts des adhérents. Il est donc, à ce titre, un relais d'information entre les adhérents et le Conseil. Son rôle dans la stratégie de l’entreprise est de taille puisqu’il oriente la stratégie de l'entreprise et en contrôle la mise en œuvre. Enfin, il est le garant du respect des finalités de l'entreprise coopérative et de sa pérennité. Il incarne l’animation de la coopérative et sa transmission dans le temps aux générations suivantes.

La fonction d’administrateur s’est largement diversifiée ces dernières années avec une complexification croissante des marchés et des avec des évolutions importantes.

Il s’est vite avéré nécessaire de bien former ses administrateurs.

Former les administrateurs

Très tôt, Coop de France s’est engagée dans la formation de ses administrateurs et ce depuis les années 50. Aujourd’hui, un parcours de perfectionnement au gouvernement de l’entreprise coopérative agricole est engagé et un Institut de management stratégique de la coopération agricole est lancé avec comme partenaire pédagogique l’ESSEC.

Ce projet vise à aider les participants à développer une approche stratégique de leur mission dans ses aspects conceptuels mais aussi pratiques. Il vise à donner des méthodes de travail et à trouver des solutions innovantes à des problèmes de plus en plus complexes qui doivent être traités au sein de l’entreprise coopérative : conduire des réunions, favoriser l'adhésion des membres et des salariés, mobiliser les acteurs, décider des orientations cohérentes et contrôler leur efficience, gérer des enjeux de pouvoir, anticiper et négocier des conflits, et globalement construire l'entreprise coopérative agricole en développant des relations de solidarité et de confiance.

L’objectif des formations est également de créer un vivier d’administrateurs pour demain, d’anticiper les départs et de préparer les renouvellements. Les renouvellements sont souvent source de déperdition d’informations et de connaissances. Une personne qui part est un peu une part de l’histoire de la coopérative qui s’échappe. Afin de toujours maintenir une transmission de notre patrimoine culturel la question des supports et de la formation reste fondamentale.

Formaliser les pratiques, proposer des réponses : réédition d’un guide

10 ans près la sortie du guide :"l'administrateur en questions, osez savoir !" qui a été diffusé à plus de 5 000 exemplaires, la 2e édition vient d’être publiée en 2007. Cette nouvelle version actualisée et enrichie conserve sa formule originelle de traitement par questions/réponses, en apportant aux différents thèmes un triple éclairage : aspects juridiques, pratiques coopératives et préconisations de Coop de France.
En plus de 120 points et en une centaine de pages, ce guide à destination des élus reprend l’ensemble des questions qu’un administrateur peut être amené à rencontrer dans le cadre de son mandat d’élu : répartition des rôles, responsabilités, contrôle, présentation des fonctionnements statutaires etc.

Un ensemble de règles formalisées au regard des pratiques de chacun, qui ne doivent pas faire oublier que la place de la culture de chaque coopérative, dans sa gestion, son mode d’organisation joue également un rôle déterminant.

Enfin, une coopérative qui améliore ses pratiques a un impact large puisqu’elle va venir influer sur la totalité des membres de la coopérative. Le bilan sociétal a, par exemple, permis l’identification de bonnes pratiques qui se sont avérées être des pratiques que plusieurs coopératives ont pu suivre. La force du collectif s’impose.

La révision coopérative est l’autre outil de contrôle externe que se sont donné les coopératives. La révision est d’abord un outil d’aide à la gouvernance pour le conseil et les dirigeants afin de s’assurer que la coopérative présente un fonctionnement coopératif conforme à ses principes.

Reste un des moteurs du projet coopératif qui est de faire progresser les hommes ensemble et de manière organisée. A la question posée à un coopérateur « que vous apporté la coopérative ? » celui-ci répondait « l’émancipation ».


Jean Gautier, 36 ans de coopération

36 ans passés au sein dans les coopératives de production, dont 13 en tant que secrétaire général de la Confédération générale des SCOP font de Jean Gautier un témoin des coopératives et de leur évolution.

Pour suivre le propos précédent, la Comédie Française a pour devise Simul et singulis qui signifie être ensemble et être soi-même. L’idée sous-jacente est qu’un individu se valorise par le collectif. L’individu et le groupe étant profondément liés et se nourrissent l’un de l’autre. La notion d’équilibre est fondamentale, si jamais le groupe prend le dessus sur les individus, ou si les individualités prennent le pas sur le groupe, un blocage s’instaure.

Les Scop en 2007

· 1 826 Scop
· 38 156 salariés (hors filiales)
· 3,5 milliards d’€ de chiffre d’affaires dont 9,5% à l'export
· 1,5 milliard d’€ de valeur ajoutée
· 169 millions d’€ de résultat avant impôt sur les sociétés
· Taille moyenne : 21 personnes
· Taux de sociétariat à plus de 2 ans : 87 %


Les Scop, nées de l’histoire

Une des spécificités très fortes de la coopérative de production tient au fait qu’elle est « fille de la misère et de la nécessité ». Créées à la fin du 19e siècle, les coopératives de production ont pour mission, alors, de veiller à abolir le salariat considéré comme une condition de l’exploitation. La révolution française en interdisant l’organisation de défense collective est venue heurter frontalement le développement de toute forme de rassemblement, même si cela avait pour visée une dimension économique. La Révolution française a imposé deux pôles à la société française, tout d’abord l’Etat, qui représente la communauté des citoyens, et les individus, pris individuellement. Entre ces deux pôles il est alors impossible de structurer un quelconque « corps intermédiaire » venant défier la logique bipolaire du tout Etat ou du tout individu.

Toute l’activité économique du 18e siècle qui était organisée autour des métiers et des corporations est alors démantelée. Le système avec ses différentes parties, sous-parties organisées, explose alors.

Face à un recours massif d’ouvriers qui ne sont plus en mesure de se protéger collectivement, commence à apparaître une forte mobilisation de la part de divers acteurs. Il était impossible de négocier une augmentation de salaire, puisque ce dernier ne correspondait qu’à un coût de maintien et de subsistance de l’ouvrier. Le réflexe naturel est alors de s’associer pour acheter, de s’associer pour produire. Le principe de l’association capital/travail va s’imposer. Les travailleurs apportent leur capital, et produisent ensemble. Les organisations en métiers, tels que connus avant 1789 jouent alors une influence déterminante dans la construction du mouvement Scop.

Propriété de qui ?

Les premiers socialistes utopiques posent le problème de l’indépendance qui est à conquérir grâce à l’appropriation de l’outil de travail. Si certaines réponses se sont manifestées via une étatisation des outils de production, les coopérateurs apportent, quant à eux, une autre vision. Dans les coopératives, la propriété est transférée à la coopérative, elle n’est pas partagée entre les membres de la coopérative, elle est encore moins étatique, ce qui est particulièrement révolutionnaire pour le droit français, voire absurde.

Sur cette base, la gouvernance démocratique pose les fondements de sa naissance.

La démocratie se présente alors comme la conséquence de l’accumulation des réserves et du capital variable. Le vrai capital est celui de la coopérative, forme de propriété collective. Le seul pouvoir sur la gestion de la coopérative est alors celui de la démocratie sous le principe « une personne, une voix ».

Ainsi, la loi de 1978 sur les SCOP précise dans son article 1er : « les sociétés coopératives ouvrières de production sont formées par des travailleurs de toutes catégories ou qualifications professionnelles, associés pour exercer en commun leurs professions dans une entreprise qu'ils gèrent directement ou par l'intermédiaire de mandataires désignés par eux et en leur sein ».

L’entreprise ne se présente donc pas comme un outil de maximisation du rendement, mais bien comme un outil au service des associés. Le mode de fonctionnement et la finalité de ces organisations est original et ne vise pas la valorisation du capital. La gouvernance utopique tient alors en grande partie dans la volonté de valoriser du savoir-faire humain.

Aujourd’hui, les divers outils de formalisation que l’on rencontre dans le monde de l’entreprise avec les rapports de développement durable, la responsabilité sociale de l’entreprise devraient pousser à une valorisation du mode de fonctionnement des coopératives. La question de la vocation sociale, de la viabilité et de la vivabilité des organisations, des finalités organisationnelles vont mettre en exergue la question de la valeur des individus et des finalités sociales, économiques des entreprises.

Il sera demandé aux entreprises, très certainement et dans un avenir proche, d’évaluer leur utilité sociale, de valoriser leur caractère participatif, de mesurer leur gouvernance et l’apport de celle-ci. Les coopératives apportent des contributions sociales, sociétales de taille, ce travail permettra de valoriser les pratiques collectives.

Sources, crédits et copyright
CJDES - Newsletter N°6 – juillet 2008

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Communiqué du CPCA

Le rapport de la CPCA sur « les besoins de financement des associations » sort enfin après un long travail interassociatif de recueil et d’analyse des données, de remise à jour des propositions communes pour répondre aux nouveaux enjeux.

Depuis 2005 et le travail préparatoire de la première Conférence nationale de la vie associative sur ce sujet, peu de choses semblent avoir changé mais les apparences sont trompeuses. Déjà, si le désengagement de l’Etat dans le financement des associations a été confirmé, la fin de la deuxième phase de la décentralisation ne permettra plus la substitution des financements du national vers le local. Alors que les administrations font courir des bruits de restrictions drastiques de crédits d’intervention pour 2009, le Parlement devra donc se pencher sur un projet de loi de finances à dimension pluriannuel (2009-2010-2011) dans un contexte totalement différent des années précédentes.

Par ailleurs, la qualité des relations contractuelles entre associations et pouvoirs publics a été modifiée avec les constats de glissement, au niveau territorial comme national, vers la commande publique. Ce glissement ou plutôt ce recours à la mise en concurrence de la prestation associative se retrouve d’une autre façon dans l’évolution des conventions où de plus en plus de contreparties sont négociées et évaluées à l’aune d’indicateurs de performance qui n’ont rien à voir avec le projet associatif initial. Cette rationnalisation de l’action publique, non concertée, est également percutée par les nouveaux enjeux européens liés à la légalité des aides d’Etat (circulaire attendue pour décembre 2008) et à la transposition de la directive « services » (pour décembre 2009).

La CPCA est donc particulièrement vigilante cet été sur le nouveau contexte budgétaire pour les associations. Ce rapport vient donner un éclairage expert et interassociatif sur ce que nous vivons et ce que nous voulons pour un nouveau cadre partenarial pouvoir public - associations. Le rendez-vous est pris à la rentrée.

Jacques Henrard

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